INTERVIEW DE CHRISTOPHE SICOT, CRÉATEUR

Posté le20/12/2022

Et si la raison d'être de la mode c'était de s'approuver et s'épanouir ? 

Interview de Christophe Sicot, créateur

À l’occasion de la sortie de notre nouvelle collection, nous avons interviewé Christophe Sicot, créateur de la marque. Celui-ci se livre dans un entretien privilégié, pour vous présenter l’histoire de ces nouveaux modèles… 

  • Christophe, avant de commencer, pouvez-vous nous expliquer ce que signifie 12iA ?

12iA, c’est l’amour. L’amour, et la liberté. 

Il y des chiffres et des mots qui marquent votre existence et celle des autres et toujours un peu de secret... On peut là aussi les intervertir et modifier la place comme si l'on décidait de porter des vêtements de manière différente tout en restant harmonieux, c’est 12 iA.

Disons que le 21 m’est cher et Ai ( amour en japonais) aussi.

 

  • Où puisez-vous vos meilleures inspirations ?


Je crois que je ne me trompe pas en déclarant que s’inspirer, c’est d’abord regarder le monde, regarder les gens. C’est en prenant le temps de regarder, que nous sommes ouverts à la créativité en permanence. Dans cette posture, il est plus aisé d’être attentif à l’intuition qui galope en moi, pour suivre tous mes instincts, et avoir la conviction que j’emprunte la bonne route.

  • Qu’est-ce que cette collection a de réellement différent avec la première ? Qu’avez-vous voulu partager ?

Cette collection est la suite cohérente de la première.

J’ai bien senti dans le regard des gens que créer une marque unisexe, c’était compliqué, ne serait-ce que pour évaluer la différence entre les corps - par nature - entre femmes et hommes. Mais l’objectif de la seconde collection, c’est de proposer un positionnement créatif, montrant ainsi toute la liberté et le savoir-faire de 12iA. En mêlant précisément les aspects confort, pratique et luxe. Cette seconde collection est donc le reflet de notre capacité à réaliser un vêtement en cohérence avec nos valeurs, et 100% unisexe.

  • La mode, c’est quoi pour vous ? D’ailleurs, considérez-vous que 12iA s’inscrive dans ce concept ou pas ? Et pourquoi ?

    Le concept de la mode est très particulier. On connaît tous l’expression “être à la mode”. J’ignore ce qu’il en est pour vous, mais moi c’est une expression que je n’aime pas du tout… Car elle suppose que l’on suit une tendance, et que la mode serait finalement le second niveau de la création. Alors, je préfère voir 12iA comme un espace créatif, une marque qui se positionne plutôt comme un espace où naissent les nouveautés, en cohérence avec une fonction finale, qui deviendra la mode. Mais finalement ici, la mode arrive en second. La priorité c’est surtout de prendre, de créer, de donner envie aux gens, pour cultiver cette vision de nouveauté et d’acceptation d’une reconnaissance de la marque. La mode, c’est l’acceptation de la marque dans un groupe.
  • Comment se passe votre processus créatif, est-ce que vous avez un thème par collection, un fil rouge, un guide ?

Une fois que j’ai l’idée, Poly, notre styliste, la traduit en croquis, elle réalise l’ensemble des dessins, pour ensuite passer à la validation des matières. Ici, nous travaillons en collectif. Une fois les matières validées, nous revenons pour une conception de prototype, réalisée entièrement sur un stockman calibré à mes dimensions… En effet, je sers de modèle pour cette partie de la création ! Une fois le prototype validé, nous lançons une première production, afin d’obtenir une tête de série qui nous permette de vérifier qu’à ce stade, nous sommes en phase avec le produit que nous voulons construire.

  • Combien de temps à l’avance prépares-tu une collection ? Peux-tu nous expliquer toute la chaîne qui s'ensuit une fois que les modèles ont été posés sur croquis ?

    Moi, j’arrive dans la mode de manière nouvelle et il y a certaines choses que je découvre. Par exemple, je me suis rendu compte du délai incompressible qui peut exister dans le processus. C’est-à-dire que tout le marché de l’industrie de la mode est régi par un timing de sortie de collection selon des saisons identifiées. Sincèrement, c’est un peu pénalisant pour quelqu’un comme moi, qui aime créer rapidement et surtout à l’instinct. Du coup, je dirais que pour créer une collection c’est très rapide. Cela suit l’esprit de créativité et de liberté que je peux avoir sur une nouvelle idée qui me traverse l’esprit. Par contre, une fois venu le temps de la conception, les délais sont incompressibles : il faut généralement compter entre quatre et six mois du prototype à la commercialisation finale, en passant par la réalisation.

 

  • Avez-vous des prototypes ? Comment les validez-vous ? Comment et pourquoi un modèle peut se retrouver finalement refusé ?

J’ai un petit peu mangé la réponse plus haut ! Mais sur le sujet des prototypes, nous sommes généralement le plus critique possible, puisque c’est la définition même du premier pas vers la création d’un modèle final… Généralement, il peut arriver que l’on change une couture, une largeur de format, ou bien que l’on retouche à certains accessoires, avec un bouton qui va peut-être être différent. On peut aussi changer la longueur d’un col, ce genre d'éléments. Une fois qu’on a le modèle en réel, c’est beaucoup plus facile de corriger les défauts de qualité, ou en tout cas les défauts de conception par rapport à l’idée qu’on s’était faite du modèle au départ. Une fois que toute l’équipe est d’accord sur ce prototype revisité, nous attendons une nouvelle tête de série.

  • Attardons-nous maintenant sur la matière, vous semblez avoir des matières de prédilection pour cette seconde collection ? Comment les avez-vous choisies ? Avez-vous une histoire personnelle avec les belles matières ? À quel point est-ce important pour vous ?

Le choix des matières, c’est un moment évidemment très important.
C’est même le point de départ. Quand nous commençons à réfléchir à la genèse d’un nouveau produit, je partage tout de suite mon envie de la matière qui va avec, car cet élément est pour moi indissociable de l’histoire du produit. 

Quand nous faisons du sportswear par exemple, nous travaillons le molleton, parce que nous savons que ce type de modèle doit être confortable, agréable, quelque chose à la fois doux sur le corps et facile à porter. Sur cette collection hiver, nous avons été très attachés à la qualité évidemment, comme toujours quand on veut faire des produits de luxe, nous devons nécessairement associer à la réflexion créative, des produits de qualité… En tout cas, je ne vois pas comment on peut envisager les choses autrement. 

Pour la partie laine, nous avons choisi du 100% Mérinos, une laine de très haute qualité donc, que nous avons été dénicher en Italie. C’était très important et sur le choix de la taille du fil, mais aussi du poids du fil et ainsi du modèle final. Tout est lié pour que vous ayez la sensation d’avoir un vrai pull chaud et confortable, dans lequel vous vous sentez bien, libre de vos mouvements. En fait, je suis très basique là-dessus : l’objectif d’un pull, c’est de vous réchauffer et de vous faire vous sentir bien - de sorte que vous puissiez quasiment sortir sans blouson. Pour le gilet en laine, même chose.

« POUR CHAQUE MATIÈRE, J’ESSAIE DE FAIRE UN PRODUIT ICONIQUE. »

Pour la laine par exemple, nous avons créé un manteau avec des franges ainsi qu’un patchwork cuir et velours… Ici, mon idée de départ, c’était une robe de chambre avec laquelle on pourrait sortir et vivre toute la journée. Vous savez, parfois il nous arrive de sortir du lit mais nous avons du mal à nous sentir réellement confortable à l’extérieur… Avec ce produit, vous avez les deux. Vous vous sentez aussi bien qu’au chaud dans votre lit alors que l’aube n’est pas encore là. C’est précisément la sensation que j’ai voulu exprimer à travers cette création en laine. 

Pour la partie cuir, il faut savoir que c’était une matière à laquelle j’étais très attaché. Je sais que parfois, le cuir peut être une matière polémique… Mais cela reste pour moi une matière noble, qui fait référence aussi à l’Histoire, à la qualité, et puis aussi, à ce qu’on est en tant qu’être humain. Au sein de cette collection, j’ai donc effectivement développé pas mal de produits en cuir ! 

Il y a déjà le pantalon en cuir, mais il y aura une chemise en cuir, et enfin une pièce iconique comme toujours. Cette fois, ce produit iconique est en agneau retourné, pour retranscrire l’esprit “peau de bête” un peu Viking. Cette large veste évoque un état d’esprit dans lequel on peut s’enfermer, avec une capuche totalement surdimensionnée dans laquelle on peut s'engouffrer entièrement. Telle une cape, qui rappellerait presque certains héros de jeux-vidéos… On ressent un sentiment d’unicité assez dingue quand on porte ce vêtement, vous devriez essayer.

Venons-en au coton à présent. Cela a été mon choix de matière pour les vestes “worker”. Ici, nous avons en effet des pièces très épaisses, très brutes. Par définition, la veste worker est une veste solide, qui doit résister aux chocs, une pièce qui a du caractère. Pour les chemises, cette fois j’ai misé sur un aspect beaucoup plus lisse, beaucoup plus travaillé, pour produire à la fois une sensation de légèreté, et à la fois que cela puisse coller au corps, sans que cela ne soit pas gênant, en laissant transparaître un côté très fluide et légitimement luxe. 

Pour les pantalons, j’ai joué avec les matières que je trouve les plus nobles - c’est-à-dire le velours côtelé, le jean et un patchwork d’écossais en laine. Là, nous sommes dans de grands classiques, que j’ai évidemment présentés d’une manière différente : 

  • Le velours côtelé, sa couleur lui rend un aspect complètement innovant en vert d’eau
  • Le patchwork écossais-laine, il s’agit d’un assemblage qui offre au modèle un côté écossais très classe 
  • Le jog-jean, c’est un produit, dans mes créations, traditionnellement important… Un produit où je veux que l’on se sente bien. Car si le jog-jean a un côté jog, il a aussi un côté “à l’aise”, avec toujours un élastique ou un cordon, pour équilibrer l’aspect worker. 
  • Si cette seconde collection devait se traduire par une émotion, laquelle serait-elle ?

Cette seconde collection traduit une émotion importante pour moi. C’est le lancement réel de la marque, puisqu’en fait nous accomplissons ici la réalisation que j’évoquais au départ ; celle de montrer aux gens que l’unisexe, c’est possible. Tout en étant beau et classe - et indifféremment partagé entre homme et femme. C’est vraiment, pour moi, le bon positionnement de la marque et c’est, je dirais, un premier pas vers la suite. Nous avons lancé la première collection sur la thématique de découverte, mais avec cette seconde collection, nous avons définitivement posé le statut de la marque… Nous avons déjà plein de choses étonnantes pour la collection Printemps/Été. J'en suis très fier et j’ai déjà hâte de vous la partager. 

  • Que souhaitez-vous que les gens ressentent en portant les modèles issus de votre nouvelle collection ?

Mon obsession, c’est que les gens puissent porter ces modèles pour que cela puisse créer chez eux un sentiment de bien-être et de satisfaction. Nous sommes tous à la recherche du “être heureux avec nous-même”, c’est une des priorités je crois, et je pense que le vêtement aujourd’hui est indissociable de ça. Parce que le vêtement, c’est certes une vision de l’externe mais c’est aussi une vision de l’interne. Le vêtement, c’est se sentir bien. Et j’ai très envie que les gens, quand ils portent ces modèles, aient finalement la sensation que cela représente tout à fait ce qu’ils ont envie d’être. J'aimerais qu’au final, la mode ou la création, le luxe, ce n’est pas se restreindre et s’imposer, mais ce serait plutôt s’approuver et s’épanouir. C’est ainsi que je conçois mes créations et c’est pour cette raison que je suis toujours attentif à ce que les gens osent mélanger les genres et qu’ils n’aient pas peur de fautes de goût, mais qu’ils aient au contraire davantage envie de se sentir eux-mêmes, mieux dans leur corps.

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